lundi 8 août 2016

Nouveau message - Hiver (part 1)

Je lutte de toutes mes forces pour décoller une paupière et affronter le réveil.

                                                                   03:26

Mais c'est qui l'inconscient qui se dit que faire sonner mon téléphone en plein milieu de la nuit est une bonne idée ?!
J'hésite vaguement à jeter le portable contre le mur et me rendormir mais ma curiosité arrête mon geste et m'oblige à lire le message reçu.

« Je pense toujours à toi, je crois que c'était une erreur et que je peux la réparer. S'il te plaît. »

Là, c'est certain, je suis complètement réveillée. J'en veux pour preuve le gloussement débile qui s'échappe de ma gorge en lisant ces mots et en devinant sans mal leur expéditeur.
Près de trois ans sans avoir la moindre de ses nouvelles et il réapparaît comme ça, du jour au lendemain.
Comme si lors de notre dernière entrevue, ça ne s'était pas terminé par moi lui jetant des livres à la tête et lui me rabaissant plus bas que terre.

Tout de suite, il me vient 1001 réponses à lui balancer. Lui demander s'il a besoin que je lui envoie une ambulance, lui conseiller d'appeler plutôt sa mère quand il n'arrive pas à dormir, lui suggérer l'introduction de divers objets dans son rectum... Mais, comme toujours, je ne peux m'y résoudre.

Morphée ne voulant plus de moi, j'allume la lampe de chevet et attrape un livre qui traîne.
Impossible de me concentrer, les mots dansent devant mes yeux et rien n'empêche mon esprit de penser à lui...
Je me demande à quoi il ressemble aujourd'hui. Ce qu'il espère en agissant ainsi. Ce qu'il attend de moi...
Est-ce-qu'il serait fou de croire qu'il a cheminé vers ça tout ce temps loin de moi ?

J'éteins complètement mon téléphone, j'envoie un mail « Cellule de crise » à Alex et m'oblige à retrouver le sommeil.

Au réveil, je maudis le chauffe-eau encore en panne qui m'oblige à prendre une douche froide.
Dans la cuisine, je maudis la cafetière qui embrasse trop fort l'évier et se fracasse à mes pieds avant que je me serve.
Dans le bus, je maudis l'idée d'habiter si loin de son lieu de travail.
Dans le hall de la société, je maudis celui qui a pris le dernier gobelet à la machine.
Quand j'arrive à la porte de mon bureau, je suis en retard, fatiguée, et énervée.

- « Salut Beauté ! »
Alex est là, le cul posé sur un coin du bureau, deux cafés fumants à côté de lui.
Alex, c'est mon binôme de souffrance. Il est arrivé dans la boîte il y a quatre ans et travaille dans le bureau en face du mien. On s'est tout de suite bien entendu mais ce n'est pas ce qui nous a vraiment rapproché.

C' était en plein mois d'août, les locaux étaient presque déserts.
Il faisait une chaleur terrible et la clim' avait lâchée dans la nuit.
J'avais poussé la porte de son bureau sans faire attention que ce n'était pas le mien et l'avais surpris en train de brancher des câbles sous son bureau. Sa position contorsionnée relevait le bas de son tee-shirt et ne cachait strictement rien des zébrures mauves sur ses reins.
Il avait tranquillement fini avant de se relever et de me dire :
- «  Donc, ça, ce sont des traces de badine. »
- « De badine ? »
- « Oui, tu sais, une fine branche de bois souple. Du noisetier. Ou du rotin. Je ne sais pas, il faudrait poser la question à ma Maîtresse. »
- « Ta maîtresse ?! »

C'est comme ça que j'avais appris son statut de soumis. Et c'est surtout comme ça que j'avais poussé la porte du BDSM. Et c'est évidemment comme ça qu'on était devenu inséparable.
- « Tu ne m'écoutes même pas ! Tu sais que j'ai dû donner de ma personne pour que l'on me laisse les deux derniers cafés ? »
Sa voix me ramène au réel. J'attrape mon gobelet sans répondre et le laisse enchaîner :
- « Tu lui as répondu ? »
- « Ah ça non ! Ca ne risque pas, merci bien ! »
Il me fixe sans rien dire avant d'annoncer son verdict :
- « Je te laisse le weekend. Je suis persuadé que lundi matin, nous serons là, tous les deux et tu me raconteras l'avancée de vos retrouvailles. »
- « Toi non plus, tu ne m'écoutes pas. Je ne lui répondrai pas, ni maintenant, ni ce weekend, ni l'an prochain. Je guéris à peine des horreurs qu'il m'a infligées lors de notre rupture. »
Il sourit avec un petit air suffisant qui me donne envie de lui jeter une gomme dans le front. Je n'ai pas le temps de viser qu'il sort de mon bureau en concluant:
- « Lundi, tu t'occupes des cafés! »

Je passe la journée concentrée sur mon boulot et le temps file à toute allure. 
Ce n'est qu'en ressortant de l'immeuble que je réalise que je n'ai pas rallumé mon téléphone ce matin. Je fouille dans mon sac et tape mon code avant de rejoindre le trottoir. En quelques mètres, les alertes de messages se multiplient et je baisse mon regard sur l 'écran au moment où je pose le pied sur le passage piéton.
A la même seconde, une main d'homme surgit sur le côté et me retient le bras. Le bus qui a failli m'écraser klaxonne et mes cheveux volent à son passage.
Je tourne les yeux pour remercier mon sauveur et j'ai l'impression d'être électrocutée quand mes yeux se posent sur lui.

Je me suis escrimée à ne pas penser à lui depuis ce matin et il est là.
Je le devine très content de lui pour cette entrée digne d'un film.
Il me sourit et me dit de sa voix basse :
- « Bonjour Roxane. »

Merde !
Sans me lâcher du regard, il m'éloigne doucement de la route et continue à me sourire.
Je le dévisage comme si je ne l'avais jamais vu.
Ses cheveux ont un peu poussé, sa barbe est plus longue aussi.
Je croise ses yeux qui me transpercent chaque fois comme la première fois qu'il les a posés sur moi.
Les prémices de rides que son sourire fait apparaître sur sa tempe.
Sa bouche si...
Une chaleur traître s'installe dans le bas de mon ventre en me rappelant la douceur et la chaleur de cette bouche...
Je reprends mon bras d'un coup sec en rétorquant :
- «  Re-bonjour plutôt, tu m'as déjà réveillée cette nuit. »
Sans attendre de réaction de sa part, je file vers mon arrêt de bus. Et il m'emboîte le pas.
- « Tu as raison. Discutons en marchant, j'ai toujours adoré ce quartier ! »
Je ne dis rien et je sens que ça l'irrite.
- «  Tu ne m'as pas répondu cette nuit. »
Il continue sur sa lancée :
- « J'ai vraiment besoin de te parler, il y a des discussions que nous n'avons jamais terminées. »
Là, j'ai envie de pivoter violemment et d'écraser la valise qui me sert de sac à main sur sa belle gueule. Finalement, je me contente d'accélérer le pas et tourne le coin de la rue juste à temps pour voir mon bus s'éloigner de la rue.
- « On dirait que tu as le temps maintenant ! »
Sans que je comprenne comment, il s'empare de ma main et traverse la chaussée en m'entraînant à sa suite.
Je ne peux m'empêcher de refermer mes doigts autour des siens en me traitant mentalement de faible.
Il entre dans un café, marque une pose au comptoir pour commander et me guide jusqu'au fond de la salle.

Il ne dit rien le temps que nos verres arrivent et je ne fais pas l'effort de la conversation.
J'ai le sentiment qu'il est le premier à avoir quelque chose à dire et je reconnais être curieuse de l'entendre.
Les consommations arrivent et il s'accorde une gorgée avant de se lancer.
- « Tu n'es pas une folle doublée d'une pute. »
A une négation près, il vient de me lancer la même phrase qui a clôturer notre histoire.
A cette négation près, il vient de capter toute mon attention et je l'écoute comme dans un rêve.

Je l'écoute me parler de ce jour où tout avait dérapé entre nous, du moment où j'avais exprimé mon envie et mon besoin de me soumettre et qu'il l'avait pris comme une gifle.
Il me parle de mon départ, de son chagrin et de son introspection.
Il me raconte la première fois qu'il a allumé l'ordinateur pour y taper les quatre lettres dans un moteur de recherche.
Il m'explique les sites, les blogs qu'il a visité. Je réalise que nous sommes passés par les mêmes endroits.
Il me dit qu'il a rejoint un forum dédié au sujet où s'est créé une vraie communauté.
Il s'arrête un instant pour me regarder.
- « Est-ce-que tu as sauté le pas de réaliser tes envies Roxane ? »
- « Pas vraiment... »
- « Oui ou non? »
Il parle avec un ton que je ne lui connais pas. Presque sévère. Et si troublant, que je lui réponds dans un souffle. 
- « Non. »
Je ne peux que remarquer son petit sourire en coin. Ma curiosité parle pour moi :
- « Et toi ? »
- « Non. J'ai vu, j'ai appris mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour que tu ne sois pas la première grâce à qui je le vis. »
Touchée ! Je le regarde probablement d'un air bête, l'invitant à développer.
- « Maintenant, je sais ce que je veux. Peut-être bien que finalement, ça ressemble à ce que tu veux aussi.
Si on essaye pas, on ne peut pas savoir. Est-ce-que tu as envie d'essayer avec moi ? »
Je réalise que je suis en train de hocher la tête et ses yeux affichent une lueur que je ne leur connais pas.
- « Bien. Enlève ta culotte. »
Je me sens fondre quelque part entre mon ventre et mes cuisses.
- « J'ai très envie que tu me la donnes et je suis sûr que tu as envie de me la donner. »
Fantasmer est une chose. Le passage au réel en est une autre. 
J'essaye de gagner du temps.
- « Ici ?! »
- « Ici. »
Léger arrêt dans sa phrase, je sens ses yeux me sonder, me lire jusqu'au fond de l'âme. Et puis, il ajoute:
- "C'est la dernière fois que tu discutes un ordre."

Immédiatement, j'enlève ma culotte en me tortillant sur la banquette en skaï craquelé, comme si c'était la chose la plus évidente qui soit. 
J'attrape l'élastique à travers le tissu de ma jupe, je la fais descendre le long de ma hanche.
D'abord un côté, puis l'autre. 
Je la fais rouler sous mes fesses en basculant légèrement mon bassin. 
J'écarte les cuisses et tire le tissu jusqu'à mes genoux protégés par la nappe avant de le faire glisser jusqu'à mes chevilles. 

Pas une seule seconde, je ne quitte son regard. 
Y lire son envie comme un reflet de la mienne. Y lire aussi cette foule de questions, de doutes. 
Et aussi le sentiment que personne d'autre que nous n'échangera jamais un tel regard. 

Je ramasse le morceau de dentelle sous la table et il me tend sa main au dessus de nos verres pour que je l'y dépose. 
Le simple contact de sa paume contre le bout de mes doigts me tord le ventre.
Le tissu est humide et chaud; il lui arrache un soupir de satisfaction avant de disparaître dans sa poche. 

Je murmure, presque inaudible:
- "Tu es fier de moi?"
Il me fixe, presque ému:
- "Je suis fier de nous."

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